Lorsque je tannais des peaux de poissons, étant d’abord à la pêche, dans les poubelles de l’industrie, puis dans ma boutique à vendre des bijoux conçus avec les cuirs fabriqués : de réels problèmes représentationnels (poisson-humain, poisson-ressource rare ?), des confrontations d’échelles (industrie, local, législation) m’assaillirent : il y a aurait autant de conceptions de ce qu’est un poisson que de bouches qui en parlent, que de lieux où les poissons sont acteurs d’un théâtre itinérant à leur mort. Quels visages ont les poissons ? Je sors du poisson pour me dire que c’est un animal, et qu’il serait apparemment bien différent d’un végétal. Dans le monde du vivant et dans celui du nourricier : le poisson souffre, la salade non ? Je vois qu’on se sert du trait de la cruauté, de la possible capacité à souffrir pour cerner les poissons. Je me suis donc demandée comment différencier un pissenlit d’une autruche ? Par quels organes ? Sous quels schémas biologiques ? J’ai vu que les pissenlits seraient surement nos frères mais pas nos semblables. L’autruche le serait plus, car elle court, hurle et ressent. Y’a t’il des traits anthropomorphiques dans la biologie ? Quels schémas représentatifs nous influencent dans nos manières de nous nourrir ?
Paysage d’une sensation zoomée qui révèle son happening invisible. L’ouverture du couvercle se synchronise avec l’image de l’apparition de la sensation du frisson et le jeu du clavecin. Ce couvercle-image serait confronté à une structure monochrome peinte sur l’extérieur du clavecin. Cette confrontation suggère le jaillissement des formes - évènements dans un fond espace-temps. Dans cette répartition, je fais allusion au jeu musical, qui se construit par un assemblage de sonorités dans l’espace du silence et de la présence. Le corps en réception émet la sensation du frisson et transmet un changement de paramètres physiologiques, dont une variation de température. Un courant froid, une sensation électrique. Je compare alors ces variations de températures corporelles à des variations de couleurs et de tons. Comme une impression impressionniste de l’expressionnisme de la couleur. Je veux montrer dans la lumière et les couleurs du noir vues par Pierre Soulages, les formes d’une force du corps : l’appareil sensationnel. Action-réaction. Le frisson est au corps une réaction survenant comme à l’instar d’un cataclysme. Des forces qui surviennent. De l’émotion à la percussion, le frisson amène un voyage. On est assailli-e-s, transporté-e-s, et amené-e-s à un futur état, comme refroidi-e-s puis réchauffé-e-s... L’évènement est symbolisé par la vague clin d’oeil à Hokusai, peinte en petit sur l’espace du couvercle, se déversant sur le paysage peint en allusion à la voluptée de la peau qui montre parfois une chair-de-poule. clairs foncés mélés pour avoir le contraste et la tension de la vague à son point culminant. A la peinture à l’huile, bleu éclatant, détail réaliste, pour uppercut le paysage. Courbe induite pour la perspective de l’apparition, de l’éclatement de la vague sur le paysage. Jeu des points de vue comme Le Caravage.
Accueillis en résidence à la fondation François Schneider de Wattwiller, Loïse et son collectif l’Abreuvoir développent une recherche autour de la symbolique de l’eau, de sa répartition, de son absence et de sa mémoire. L’eau est expressive. Elle est la métaphore d’émotions typiquement humaines. Dans le tarot de Marseille, les coupes représentent les sentiments humains, le lien à l’autre, l’introspection. Le collectif a notamment réalisé une fresque reprenant ces symboles en les inscrivant dans une composition stratifiée figurant un monde mouvant. La peinture de symboles est un des fils rouges du travail commun et se décline sur différents supports d’échelles variées. L’eau est mémoire. Le village de Wattwiller et ses montagnes ont été le lieu de très violents affrontements au cours de la première guerre mondiale. Si la forêt a repoussé et que les maisons ont été reconstruites, que reste-t-il de cette violence dans le sol et dans les sources d’eau minérale ? La vague de suicides qu’aurait connu Wattwiller dans la seconde moitié du XXème siècle est-elle le fruit d’une eau de mort homéopathique ? La mort en tant que cycle est une des préoccupations théorique et plastique des résidentes. Ainsi, les insectes et petits animaux trouvés dans le jardin se retrouvent exposés, déshydratés, et collés sur des plaques transparentes ; desquelles surgissent de multiples reflets, jeux de lumières mettant en exergue une mort, figée, exposée et assumée, que l’on retrouve dans les parcours touristiques des tranchées. L’eau est mobile. Le collectif arpente le territoire, échange avec ses habitants et construit une œuvre qui ne peut se penser qu’en relation avec son lieu de naissance et son histoire. Le collectif Abreuvoir décide d’amener un cheval sur le terrain de la résidence. Cette cohabitation est soutenue par l’expérience en équitation de Loïse, et conjugue le partage de savoirs mutuels. Le cheval devient alors acteur du projet, il participe à et soutient la mobilité des résidentes. Il est également support (littéralement) et sujet d’un travail vidéo, ainsi que de nombreuses réflexions et conversations sur la place de l’animal dans son rapport à l’humain et à la nature.